Evangile selon saint Jean, chapitre 15 : Lors du dernier repas Jésus disait à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Nul n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure, afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. »
Ce fut au cours du dernier repas que Jésus prit avec ses disciples. Dans ce repas, les propos devaient unir le passé et le futur dans l’espace d’une présence sur le fil du temps qui passe – une présence qui transcende le passage du temps.
Ce repas avait commencé de manière inoubliable, parce que singulière et mystérieuse. Jésus avait pris la place du serviteur ; lui qui était le Maître entouré de ses disciples, il avait lavé les pieds de ses disciples. En cette veille de la Pâque, les disciples savaient que le Maître devait se manifester. Mais ce geste renversait la hiérarchie des choses convenues ; il montrait que l’amour, toujours lié à des actes qui concernent la vie, avait pris un autre chemin. Ils ont appris que ce qui advenait ce n’était pas la manifestation glorieuse du Messie, ni l’éclat de la venue du Règne de Dieu prévue pour la fin des temps. Ils ont appris que l’essentiel était le service de l’autre. Plus encore : après le départ de Judas, ils savaient que dans les heures prochaines le Messie promis ne paraitrait pas dans sa toute-puissance, mais dans l’humble condition du Serviteur : celui qui leur a lavé les pieds à l’entrée de la salle de fête. C’était un signe ; il demandait explication. Jésus le fait dans le « discours après la Cène » rapporté par saint Jean.
Jésus dit le but de son action : « Que votre joie soit parfaite ». La joie, tout le monde est pour… mais il y a joie et joie. Jésus dit que cette joie a une source : l’amour entre Jésus et celui qu’il appelle Père. C’est là une relation d’amour dans la réciprocité. En cette veille de la Pâque célébrée par la communauté des disciples, la Loi et ses préceptes s’effacent : la source, la raison d’être et la finalité de ce que fait Jésus sont l’amour de Dieu, le Père qui est la source de son être et de son action.
Cette source, Jésus ne la garde pas pour lui – ce serait égoïsme. Il l’ouvre pour ses amis. Il veut que ses disciples soient eux-mêmes source de vie ; il leur dit clairement : « pour que vous alliez et produisiez du fruit ». Quels fruits ? Les disciples le savent parce qu’ils étaient avec lui quand il a donné le bon vin pour le repas des noces, quand le fils de l’administrateur romain a été guéri ; ils étaient là quand le paralytique s’est levé et quand, dans le désert, la foule a mangé le pain et les poissons dans l’abondance ; ils ont été témoins, quand l’aveugle-né a retrouvé la vue, et enfin quand l’ami Lazare est sorti du tombeau… Jésus l’a fait. C’était très beau ! Et voilà que Jésus leur annonce qu’il va faire un pas de plus. Il va aller chercher ceux qui sont perdus, de l’autre côté du mur de la mort. Il reviendra pour qu’ils aient part à son Esprit, l’Esprit saint qui est amour.
Il y a encore du chemin sur le chemin. Désormais, les disciples vont devoir vivre ce que Jésus a vécu : donner leur vie pour que vienne le Règne de Dieu. Jésus le dit clairement quand il précise : « Que votre fruit demeure ». La Pâque qui est célébrée n’est pas un jour parmi les autres jours ; c’est l’ouverture sur l’éternité. Le fruit qui sera donné sera « un fruit qui demeure ». Est-ce une promesse comme il y en a tant ? Non ! Ce n’est pas une promesse de façade, parce que Jésus donne sa vie ou selon la lettre du texte « se dessaisit de sa vie ».
Ainsi sur le chemin, il y a un dynamisme. Ce n’est pas un rêve, mais une avancée. Le mouvement est l’effet d’une énergie qui est dans le cœur de chacun : l’amour. Cet amour leur sera donné par le Ressuscité le jour de Pâques. Nous qui venons après que la Pâque de Jésus se soit accomplie, nous ne sommes pas encore au terme du chemin. Il nous faut aller de l’avant, non par prétention, mais parce que nous sommes appelés. Cet appel est confirmé : « C’est moi qui vous ai choisis et institués pour que vous alliez et produisiez du fruit ».
Avec l’immense foule des témoins qui ont reçu la parole de vie, avançons dans la confiance.
6e dimanche de Pâques, 5 mai 2024
Jean-Michel Maldamé