Évangile selon saint Jean, chapitre 10 : « 7 Jésus dit: » En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis. 8 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. 9 Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira, et trouvera un pâturage. 10 Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante. »
Figures et paraboles sont nombreuses dans les propos de Jésus. La manière d’en user est différente selon les évangiles. La sobriété de Marc n’est pas la sensibilité de Luc ; Matthieu sait développer et articuler les contraires. Jean est plus subtil, car les images et les paraboles sont liées à des actions – plus exactement des interactions entre Jésus et les personnes avec qui il parle. Elles sont représentées par les brebis au chapitre dixième de son évangile. L’image est héritée des prophètes qui comparent le peuple de Dieu à un troupeau, entité qui est plus qu’un agrégat, mais la vie dans son déploiement – image présidant au quatrième dimanche de Pâques. Si beaucoup privilégient la figure du « bon pasteur », le propos rapporté par l’évangile de Jean dit plus, car Jésus se présente aussi comme « la porte ». Cette image n’a rien de simpliste, car une porte ce n’est pas seulement ce qui s’ouvre et se ferme pour entrer ou sortir de chez soi.
La porte est plus qu’une ligne frontière entre le dedans et le dehors ; c’est un espace : un lieu de rencontre : un lieu de vérité et de vie. La porte est un seuil. Plus qu’une ligne de frontière, elle est un espace pour accueillir et recevoir un visiteur et se réjouir de voir quelqu’un de sa famille ou l’ami venant chez soi. Hélas, la porte peut être le lieu d’une confrontation avec un intrus. C’est toujours un lieu de communication et d’échange. Ainsi quand Jésus dit « Je suis la porte des brebis», il affirme être celui par qui se fait la communication entre deux mondes, celui de Dieu et celui des humains. Ainsi, la porte est une figure de la vie dans son versant privé et dans son versant public ; elle est un espace pour une parole emplie d’humanité. Cela s’accorde avec les images du berger qui guide le troupeau par sa parole. La parole du berger est une parole d’appel, mais aussi parole de mise en route, puis une parole d’accompagnement et toujours une parole d’orientation qui dit le sens et le but de la vie. En disant qu’il est « la porte », Jésus explicite le sens de sa présence : sa parole fait la communication entre l’humain et le divin ; elle est une source de vie.
L’image de la porte invite à voir que la venue de Jésus n’est pas une effraction. Jésus entre dans le monde pour réaliser ce qui a été annoncé par les Prophètes et figuré par ses amis, d’Abel le juste à Jean-Baptiste, ses témoins. Ses paroles scandent les actes du salut comme le montre la place de l’image de la porte, du troupeau et du pasteur dans l’évangile de Jean. La parole de Jésus a changé l’eau en vin, entendons la tristesse de ce monde en fête de la vie (Jn 2). Ses paroles ont franchi les limites sociales quand il a guéri le fils du fonctionnaire romain et libéré la Samaritaine de la tristesse de sa vie (Jn 4). Sa parole a fait se lever celui que l’infirmité tenait à distance de la source de la guérison (Jn 5). Sa parole a été source de nourriture pour la foule rassemblée dans le désert (Jn 6). À sa parole a envoyé l’aveugle se laver à la fontaine de Siloé et d’y être guéri (Jn 9). Toujours une parole de paix, de lumière et de vie.
Ainsi en ce quatrième dimanche de Pâques, quand Jésus se présente comme « la porte des brebis », il dit le but de son action (Jn 10). Il se présente comme celui qui donne accès à la fois à l’intériorité de la vie, à la clarté de la pensée et aux profondeurs de son cœur. Il ouvre sur l’extérieur, non seulement l’espace environnant, le monde de la vie dans sa beauté qui est richesse et diversité, mais plus encore : le monde nouveau. Ainsi pour nous qui fêtons Pâques, Jésus n’est pas seulement celui qui rassemble et donne de vivre le présent ; il est celui qui conduit à la vie en plénitude.
Le texte lu aujourd’hui n’est pas le dernier mot de Jésus. Il est l’annonce de ce qui vint ensuite : le combat de Jésus qui affronte la puissance du mal, la nuit de la haine et du mensonge et qui pour cela donnera sa vie. Il est celui qui, victime immolée sur la croix d’infamie a connu le pire de ce que les hommes peuvent faire pour que l’amour de Dieu aille jusqu’au plus profond des enfers, au plus amer de la détresse humaine et qu’ainsi toute faim et soif de vivre, de comprendre et d’aimer, soient comblées. C’est par lui que passe l’humanité pour entrer dans la vie éternelle. Avec lui vivons ce passage.
Quatrième dimanche de Pâques, Dominicaines des Tourelles, le 30 avril 2023
Jean-Michel Maldamé