Les Dominicaines des Tourelles

Homélies et conférences

Pâques 2023 Vigile pascale Lumière du monde

Ces derniers jours, au commencement de la nuit, nous étions invités à lever les yeux vers le ciel. Il y eut d’abord une conjonction de planètes au nom symbolique (Vénus et Saturne), puis ensuite un alignement de planètes. La beauté du soir était anoblie de ces figures d’autant plus belles que précaires et insolites. Un regard d’admiration. Une fête pour les yeux. Oui mais… Et après ! Ne reste-t-il pas l’énigme de notre présence sur une planète parmi bien d’autres que le Soleil illumine ?

Nous voici ce soir dans la nuit de Pâques. Serions-nous seulement des curieux, attentifs à un événement insolite qui vient rompre avec la monotonie des soirs et la solitude de nos colloques intimes ? Ne sommes-nous pas plutôt comme les témoins d’un monde qui n’est pas prisonnier de l’éphémère qui fait la beauté et suscite la fascination des figures imaginaires dessinées par les astres ? Oui, nous sommes les enfants d’une longue mémoire dont la liturgie nous donne des fragments – comme les cailloux du chemin de Petit Poucet de notre enfance. Cette longue histoire commence au commencement – plus exactement au commencement du commencement, à la parole originelle de Dieu : « Que soit » – d’abord: « Que la lumière soit » puis, en montant les échelons de la grande échelle des êtres, que soit l’humanité, à son image. Gardiens de cette mémoire, nous avons allumé le feu de la nuit. Nous avons loué le Dieu qui nous a donné de vivre les nuits et les jours pour répondre à son appel. Nous avons ouvert quelques pages du grand livre de notre combat pour la dignité et la liberté, avec Abraham, puis ouvert notre cœur à l’appel d’Isaïe nous invitant à grandir grâce à la parole de vie qui nous est donnée et à l’espérance d’un accomplissement. Tout cela nous a été donné. Tout cela fait notre joie – la joie d’être devenu enfant de Dieu par le baptême que nous avons réactualisé.

Mais cette nuit il y a plus ! Nous recevons une mission. Nous sommes comme les femmes venues au tombeau pour prendre soin de Jésus. Elles ont reçu la grande nouvelle et reçu la mission de l’annoncer. Cette identification n’est pas sans fondement. En effet, si la première est nommée de son nom, Marie de Magdala, la seconde porte un nom très commun. Elle nous représente : en effet, comme elle nous avons à dire que Jésus est ressuscité. Figure de l’Eglise ; elle est aussi la figure de chacun de nous. Tels nous sommes cette nuit de Pâques. Nous avons reçu un trésor, un germe de vie. Nous avons maintenant à le faire fructifier en commençant par porter la Bonne Nouvelle.

Nous ne veillons pas par curiosité, mais par désir d’accomplissement, non seulement pour nous, mais pour ceux qui nous sont confiés et dont nous sommes solidaires. Nous sommes comme des éveillés dans un monde dont la clef nous est confiée pour ouvrir sur l’éternité, sur l’amour de Dieu qui donne sa vie pour que nous soyons ses enfants.

Dominicaines des Tourelles, Saint Matthieu de Tréviers, Pâques 2023 Jean-Michel Maldamé