Les Dominicaines des Tourelles

Homélies et conférences

Jour de Pâques 2023 La vraie vie

Ce printemps 2023, il y a une conjonction des fêtes pour les croyants qui se réfèrent à Abraham. La Pâque du calendrier juif advient au moment où les chrétiens entrent dans la célébration de la mort et de la résurrection de Jésus. Cela advient au cours du mois du Ramadan, un mois qui renoue avec la vie des nomades du désert se reposant le jour pour marcher de nuit quand le soleil ne brule pas les caravanes… Tous se réfèrent à Abraham et au Dieu unique. Or ces jours ont vu la guerre ; il y a eu des fusillades non seulement dans les rues, mais dans les lieux de culte et les bombardements par-dessus les lignes de démarcations… Pourquoi cette folie? Les religions seraient-elles source de violence? Incontestablement, oui. Mais, hélas, pas plus que d’autres éléments de la vie humaine pour la possession des terres, des ressources, des connaissances… et autres richesses que chacun considère comme nécessaires à sa vie, ou plus exactement, sa survie. Car il s’agit bien de survivre… Or survivre c’est radicaliser ses raisons d’être et franchir les frontières du raisonnable dans l’exaspération de l’amour de soi.

En ce jour de Pâques, la grande nouvelle du jour c’est que Dieu ne nous laisse pas en condition de survivre, mais nous donne vraiment de vivre. Non pas aller du pareil au même, mais de l’ombre à la lumière, de l’ébauche à la plénitude, de l’esquisse à l’achèvement. De cette innovation, le récit de l’évangile de Jean nous donne le fondement. Pour représenter l’humanité, l’évangéliste a choisi Marie de Magdala : cette personne est bien connue des lecteurs des évangiles. Jean l’a présenté au fil de son évangile en faisant en sorte qu’elle représente toutes les facettes de l’humanité, sa misère et sa grandeur. Misère humiliante du péché. Humiliation du mépris des gens de bien. Mais aussi grandeur de la conversion, de l’écoute la parole de Jésus. Force de l’espérance qui vient de la présence du Dieu vivant et aussi grande générosité dans le souci de ses proches. C’est cette représentante de notre humanité dans sa misère et son combat, dans sa grandeur et dans sa grâce, qui est la première à voir, à entendre, à savoir que Jésus est ressuscité – Ainsi Jean nous donne à voir l’universel.

En cette fête de Pâques nous sommes avec celle qui fut la première au tombeau. Elle passe du désespoir à l’espérance ; elle passe de la logique de la survie à la logique de la vraie vie. Figure de l’humanité sauvée, « Ève nouvelle » disent les Pères de l’Église, elle est la messagère de la bonne nouvelle. Pour cette raison, elle atteste la voie qui ouverte par la résurrection de Jésus, le nouvel Adam. Vivre d’une vie qui n’est pas souci de durer en allant du pareil au même, mais de participer à la vie de Dieu. Ainsi notre Pâque n’est pas une nostalgie, mais l’engagement pour l’amour de Dieu. Dans notre présent où la guerre ronge nos espoirs de sécurité, voici que Pâques ouvre un chemin pour la vraie vie dont le sceau d’authenticité est être artisan de paix.

Dominicaines des Tourelles, Saint Matthieu de Tréviers, Pâques 2023 Jean-Michel Maldamé