Les Dominicaines des Tourelles

Homélies et conférences

Noël 2022 – Lumière et vie – Jour de Noël

Le Dieu qui se donne

Evangile selon saint Luc, chapitre 2 : « Et il advint, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, que les bergers se dirent entre eux: « Allons jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître. » Ils vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche. Ayant vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit de cet enfant; et tous ceux qui les entendirent furentétonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur. Puis les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, suivant ce qui leur avait été annoncé. »

« Marie conservait avec soin toutes ces choses en son cœur ». Cette phrase peut nous sembler d’une grande banalité si nous la réduisons à être la conclusion d’une belle histoire. Une histoire plus que belle ! En effet elle nous rapporte ce qui s’est passé à Bethléem. Cette ville est celle d’où est originaire la famille de David qui fut le fondateur et le roi d’un pays dont le rôle concerne l’histoire de l’humanité depuis près de trois mille ans. Une histoire qui concerne l’humanité entière, puisque l’enfant qui naît est honoré par les millions et des millions de chrétiens et mentionné dans tous les livres d’histoire. Encore aujourd’hui où notre datation des années se fait en référence au jour de sa naissance. Se référer à ce jour ce serait justice. Mais ce ne serait pas juste de ne faire qu’un « travail de mémoire ». La page d’évangile nous invite à faire davantage. Nous lisons en effet non seulement que « Marie conservait toutes ces choses (les événements) », mais encore « elle les méditait dans son cœur ». Pas seulement se souvenir des faits et veiller à ne pas oublier, mais méditer. Méditer c’est considérer les choses en creusant toujours plus profond pour aller à la source, à la raison d’être, aller du comment au pourquoi et cela inlassablement. Non par curiosité ou érudition, mais par le désir de ne rien perdre du trésor qui est donné.

Méditer en son cœur c’est prendre un chemin qui commence par s’écarter de l’amour de soi. Qui ne sait parmi nous combien il est difficile d’aimer ceux que l’on aime pour eux- mêmes et pas pour soi – tous ceux dont chacun dit « ce sont les miens ». Quand on dit familièrement « mes parents, ma femme/mon mari, mes enfants, mes frères/mes sœurs, mes

amis… », il y a des pronoms possessifs. Cette abondance nous trahit ; elle manifeste qu’il y a là l’extension de l’amour de soi. S’il n’y a que cela, c’est rester dans le cercle de l’attachement à soi. Nous le voyons en nous et autour de nous. Mais hélas, il s’agit aussi du monde entier où l’amour de soi est à la racine de tous les durcissements idéologiques, de tous les totalitarismes, de toutes les guerres qui se légitiment toujours par la mise des autres au service de soi : sa prospérité, sa religion, sa philosophie, sa science… Toutes choses où chacun se place au centre, que ce soit le cercle de famille, le réseau de relation ou le vaste monde… Ce matin, Marie ne se place pas au centre : celui qui est au centre c’est l’enfant qui vient de naître.

Pourquoi est-il le centre ? Parce qu’il est reçu comme un don de Dieu. C’est ainsi que les bergers, aujourd’hui et demain les mages, honorent l’enfant de Bethléem, le fils de David promis, le sauveur espéré. Marie fait davantage ! Elle ne renvoie pas au futur ; elle se rend présente au présent. Elle est là de tout son corps, de toute son âme et de tout son cœur.

Où sommes-nous ce matin de Noël ? Nous ne sommes pas comme Marie – c’est l’évidence même. Mais nous sommes comme elle dans les deux actes dits par les verbes retenir et méditer. Nous sommes en route pour aller plus loin que nous n’osons l’imaginer. Où ? La réponse nous et donnée dans le texte de l’évangile de la messe du Jour par saint Jean qui a écrit du Créateur : « Il est venu chez lui […] à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfant de Dieu ». C’est un don. Or recevoir un don c’est plus que se réjouir de ce qu’il apporte, mais de la présence du donateur.

Dans la lumière de Noël, nous percevons que le don que nous recevons de Dieu n’est rien de ce qui suscite la convoitise humaine, mais une présence. Celui qui se donne est notre créateur. C’est pourquoi à la messe du jour, après avoir reçu les récits de la naissance de Jésus selon saint Luc, nous lisons le début de l’évangile de Jean :

« Au commencement était le Verbe
et le Verbe était avec Dieu
et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. […]

À tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfant Dieu,
à ceux qui croient en son nom,
lui qui ne fut engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme,

mais de Dieu.
Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous,

et nous avons contemplé sa gloire,
gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique,

plein de grâce et de vérité. »

Noël 2022, Dominicaines des Tourelles Jean-Michel Maldamé