Les Dominicaines des Tourelles

Homélies et conférences

Baptême de Jésus

Evangile selon saint Luc, chapitre 3 : « Comme le peuple était dans l’attente et que tous se demandaient en leur cœur, au sujet

de Jean, s’il n’était pas le Christ, Jean prit la parole et leur dit à tous : « Pour moi, je vous baptise avec de l’eau, mais vient le plus fort

que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu ». Et par bien d’autres

exhortations encore il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. [….] Or il advint, une fois que tout le peuple eut été baptisé et au

moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s’ouvrit, et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle,

comme une colombe. Et une voix partit du ciel : « Tu es mon fils ; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ». »

Une des questions les plus lancinantes dans la vie est celle de la culpabilité. C’est là le

propre de l’humanité : la conscience de soi, de ses droits et de ses devoirs. La culpabilité est

souvent vécue dans la contradiction entre ce qui est fait et ce qui devait être fait. Le réel est

là : ce qui a été fait n’est pas ce qu’il eut été bien de faire. C’est universel… Toute la vie y est

prise, depuis les petits mensonges des enfants sages jusqu’aux pire horreurs de la guerre. La

culpabilité n’échappe pas à la conscience humaine, mais elle peut elle aussi se dévoyer. Il y a

pour cette raison beaucoup d’amertume dans notre cœur. Dans les religions, le système

sacrificiel y fait face. Mais ce système devient lui-même un carcan. Il faut payer cher pour

effacer la faute. On peut repérer les choses cassées et souvent les remplacer, mais on ne peut

faire qu’elle ait été cassée. Je ne parle pas de la vaisselle, mais du plus intime de notre cœur.

Les religions ont mis au point le système sacrificiel, vain s’il ne change pas l’intime du cœur.

Dans ce cadre, le baptême de Jean est une grande nouveauté. Ce qui compte c’est le

repentir et la démarche intime. Ce n’est pas le coût du sacrifice. C’est le mouvement du cœur

et de l’esprit. Le geste où advient le pardon est le plus simple qui soit : se plonger dans l’eau

en invoquant le nom de Dieu qui pardonne. Tel est le génie de Jean-Baptiste. Il donne à tous

la manière de sortir du péché par l’engagement de la conscience qui présidera ensuite à une

vie sans l’ombre du mal. Au nom du Dieu vivant qui sonde les reins et les cœurs, demander à

Dieu le pardon et vivre hors du péché et de ce qui conduit au péché.

Le récit des événements qui eurent lieu au bord du Jourdain est source de surprise. En

effet Jésus participe à cette démarche de pénitence ; il demande et il reçoit le baptême de Jean.

Surprenant en effet, car rien dans la vie de Jésus ne relève du péché. Pourquoi cet acte

incontestable rapporté par les évangélistes ? La réponse est simple. Jésus ne vient pas pour

lui. Il a le souci du salut de ses frères et sœurs en humanité. Il prend la tête du cheminement

qui conduit à la vie. Il veut que ce soit réaliste. Il n’entre pas dans le combat – car ce sera un

combat – par un geste spectaculaire, mais par un acte de solidarité et d’humanité. Il entre dans

les eaux du Jourdain et s’associe la prière de son ami et compagnon depuis l’enfance. Ainsi

notre vie. Notre communion à la douleur d’enfantement d’un monde marqué par le péché.

Nous ne sommes pas complices de ces péchés (la guerre, les trafics de drogue, les magouilles

financières…). Mais nous entrons dans la vigilance et la résistance contre le mensonge, la

corruption, l’asservissement et autres sources d’aliénation… Nous ouvrons notre cœur à

l’esprit d’amour, l’Esprit saint qui est notre force et le souffle qui nous donne une raison

d’être : devenir enfant de Dieu.

Dominicaines des Tourelles, 12 janvier 2025

Jean-Michel Maldamé