Épiphanie[1]
Evangile selon saint Jean, chapitre premier : « Cela se passait à Béthanie au-delà du Jourdain, où Jean baptisait. Il voit Jésus venir vers lui et il dit : « Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. C’est de lui que j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui est passé devant moi parce qu’avant moi il était. Et moi, je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il fût manifesté à Israël que je suis venu baptisant dans l’eau. » Et Jean rendit témoignage en disant : « J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-là m’avait dit : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. » Et moi, j’ai vu et je témoigne que celui-ci est l’Élu de Dieu. » »
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« Veilleur où en est la nuit ? » Parole que les soldats échangent quand ils montent la garde ou patrouillent dans les rues de la ville où règne une menace. « Veilleur où en est la nuit ? », parole du prophète Isaïe (Is 21,11 ; 62,6) à propos de la ville de Jérusalem, la cité de David. Nous pouvons reprendre cette parole aujourd’hui où il y a tant de raison de craindre. Qui ne voit la terrible situation de notre Planète et la précarité des lieux où règne la paix ? Nous ne pouvons oublier l’Ukraine, mais il y a aussi l’Éthiopie, l’Arménie, l’Afrique sahélienne… et encore bien d’autres ! Mais encore, à la racine de notre tristesse, une désespérance secrète habite notre culture : quelque chose comme un grand vide. Tel était le temps au moment où une voix s’est élevée dans le désert ; celle de Jean annonçant l’imminence d’un renversement de la situation en raison de l’intervention de Dieu.
Le fils de Zacharie et d’Elisabeth annonce la colère de Dieu face au règne du mal, mais aussi l’ouverture d’une nouvelle voie pour le salut. Il annonce que Dieu pardonne et que geste à poser est pour tous – sans préalable. La manière d’y accéder est la plus large et la plus facile qui soit : l’immersion dans les eaux du Jourdain en confessant son péché. Quoi de plus simple quand on le compare aux complexités des rituels sacrificiels dans le Temple ? Quoi de plus accessible pour les humbles et les cœurs purs ? Le salut est pour tout le peuple ; il est lié à la droiture du cœur ; il n’est pas la contrepartie de l’accomplissement des rituels sacrificiels onéreux dans le Temple. Jean le fait dans l’urgence. Il n’est que l’annonceur de la venue de Dieu. Il sait qu’il est « la voix qui crie dans le désert » ; il est dans la précarité, mais sur cette ligne un autre vient, celui dont il prépare la venue.
Immense surprise. Le visage de Celui qui vient n’est pas ce qu’on imaginait. Ce n’est pas le Tout-puissant, mais l’Agneau de Dieu. Pas la violence qui s’impose, mais la présence qui rayonne. Dans la page de l’évangile de Jean lue aujourd’hui nous en avons l’attestation.
La phrase prononcée par Jean-Baptiste est courte. Si importante qu’elle figure à deux reprises dans l’évangile selon saint Jean (Jn 1,15 et 1,32). Une phrase simple qui, en raison de sa simplicité, demande attention : « Celui qui était derrière moi, est passé devant moi, car avant moi, il était ». Entendons bien. Il ne s’agit pas de la position dans une file d’attente. Il s’agit d’une relation vitale. « Être derrière », c’est vivre une relation ! Entendons l’expression au sens moral et intellectuel : le verbe « suivre » dit la situation d’un disciple. Jean constate que celui qui vient, l’Envoyé, le Sauveur était là, dans la foule qui marchait à sa suite dans l’impatience de la venue du Règne de Dieu, pour une nouvelle création ; il était parmi les autres. La situation a changé quand il a vu que l’Esprit de Dieu venait sur Jésus. Comme sa mission de baptiste n’était pas un privilège, mais un service, Jean s’est effacé. Il a reconnu en Jésus plus qu’un prophète, mais le Fils de Dieu qui a pris chair pour prendre la tête d’une humanité nouvelle, pour la venue du Règne de Dieu.
Ainsi Jean Baptiste nous donne l’exemple de ce que nous devons vivre. D’abord, avoir conscience que le malheur du monde présent est bien la conséquence de l’ignorance, de la violence, du mensonge, tout ce qui est traditionnellement est appelé « péché », ce dont nous ne nous libèrerons pas sans l’intervention de Dieu. Ensuite, éviter de faire de Dieu le tout-puissant à l’image de ceux qui dominent le monde par l’argent, la technologie, les armes, l’idéologie… En effet, Jean atteste la présence de Celui qui vient, « L’Agneau de Dieu ».
Comme Jean-Baptiste aujourd’hui, tournons notre regard vers Celui qui est venu dans la précarité de notre humanité. Par la force de l’Esprit saint, nous il nous donne de naître à la vie ; il fait de de nous des enfants de Dieu, artisans de paix, témoins de la vérité qui est lumière et force de l’amour.
Dominicaines des Tourelles, saint Matthieu de Tréviers
Dimanche 15 janvier, 2023
Jean-Michel Maldamé
- La fête liturgique de l’épiphanie célèbre la « première manifestation de Jésus ». Diversement selon les évangiles. Avec la fraicheur et la profondeur d’un commencement et première manifestation – selon les évangélistes. Un reconnaissance par les bergers le matin de Noël (évangile de Luc), par les mages (évangile de Matthieu) et par Jean-Baptiste (évangile de Jean). En lisant l’évangile de Jean, laissons-nous surprendre par la nouveauté et la profondeur de l’événement rapporté. ↑